Quel est l'impact des crèmes solaires sur la mer ?
Les crèmes solaires ont un impact négatif sur la santé de…

Nous savons tous aujourd’hui qu’il est essentiel d’utiliser des crèmes solaires pour nous protéger des dangereux rayons du soleil, afin d’éviter les douloureuses brûlures et de prévenir les dommages à long terme pour notre peau. Mais il faut être vigilant lors de l’achat de crème solaire : l’impact des crèmes solaires sur les océans peut nuire à certaines espèces.
Pourquoi les crèmes solaires endommagent-elles l’océan ?
De nombreuses études ont démontré que les crèmes solaires ont un impact significatif sur la santé de nos océans et de nombreuses espèces marines. Ce n’est pas un hasard si de nombreuses destinations touristiques côtières ont interdit leur utilisation. Un exemple frappant est celui du gouvernement hawaïen qui, en 2018, a adopté l’Hawaii Reef Bill, interdisant l’utilisation de filtres solaires contenant certaines substances chimiques jugées nocives pour l’écosystème marin.

Plus précisément, les crèmes solaires :
- Altérent la croissance et le processus de photosynthèse des algues vertes ;
- S’accumulent dans les tissus des coraux, causant leur blanchiment, des altérations génétiques et physiques, voire leur mort ;
- Provoquent des malformations chez les larves des jeunes mollusques ;
- Endommagent le système immunitaire et reproducteur des oursins, voire causent leur mort ;
- Réduisent la fertilité et induisent le développement d’organes mâles chez les femelles de poissons (phénomène appelé « imposex », qui signifie superposition de caractères mâles chez les femelles) ;
- S’accumulent dans les tissus des dauphins et peuvent être transmis à leur progéniture.
Les substances chimiques nocives présentes dans les crèmes solaires appartiennent à la catégorie des filtres ultraviolets (UVF), conçus pour absorber et réfléchir les rayons UV-A et UV-B. Il s’agit de substances à la fois organiques (comme les benzophénones, les p-aminobenzoates et le camphre) et inorganiques (comme les oxydes de nanoparticules : dioxyde de titane (TiO2) et oxyde de zinc (ZnO)). Les composants des protections solaires pénètrent dans l’environnement marin, se dispersant à la fois dans la colonne d’eau et dans les sédiments, en conséquence de rejets directs par les baigneurs mais aussi, indirectement, par les rejets d’eaux usées domestiques et industrielles. Ces polluants émergents sont tellement répandus qu’ils commencent à contaminer également les masses d’eau douce comme les rivières et les lacs.
Posidonie : cette plante marine méditerranéenne est-elle sensible aux crèmes solaires ?
Certains filtres solaires polluants tels que l’oxybenzone (BP3), le 4-méthylbenzilidène camphre (4-MBC), les méthylparabènes, l’avobenzone 4-méthyl, la benzophénone (BP4) et le benzotriazole (MeBZT) ont été retrouvés dans les feuilles et les rhizomes de la posidonie. La Posidonie est une plante marine endémique de la Méditerranée qui forme de vastes herbiers et fournit de nombreux services écosystémiques : elle abrite de nombreuses espèces marines, notamment à leurs stades juvéniles, protège les côtes de l’érosion et séquestre le dioxyde de carbone atmosphérique.

L’accumulation de ces substances toxiques au sein de la Posidonie a des effets encore incertains, mais les scientifiques sont déjà en alerte quant à leurs potentielles conséquences au niveau physiologique – telles que des altérations des processus reproducteurs et de photosynthèse – et au niveau écosystémique.
Compte tenu de la configuration de la Méditerranée en tant que bassin semi-fermé avec un faible renouvellement de l’eau, les niveaux de polluants peuvent atteindre des concentrations élevées en peu de temps. Il faut également prendre en compte la forte pression anthropique qui s’exerce sur cette région, due aux activités industrielles et au tourisme, à l’apport de nutriments et aux vagues de chaleur qui augmentent soudainement la température de l’eau. Tous ces facteurs peuvent produire des effets synergiques, mettant à rude épreuve la survie de cette plante marine.
Compte tenu de l’importance cruciale de la posidonie dans cet écosystème, il est essentiel de sensibiliser le public aux dommages environnementaux causés par ces substances polluantes contenues dans les protections solaires, de réglementer leur utilisation et de proposer des alternatives durables pour protéger les baigneurs. La perte des herbiers de Posidonie s’est déjà révélée très néfaste dans de nombreuses zones côtières, il faut agir pour les protéger.
Attention au greenwashing et au bluewashing !
Malgré l’urgence posée par ces produits, il n’existe pas encore de législation claire concernant l’utilisation de filtres solaires nocifs dans de nombreuses parties de la Méditerranée. Avec l’attention médiatique portée à l’océan et à la durabilité en général, certaines marques exploitent ces thématiques en commercialisant des crèmes « sans danger pour les récifs coralliens ». Elles assurent en effet l’absence d’oxybenzone, mais ces produits contiennent néanmoins d’autres filtres solaires nocifs pour l’écosystème marin. Il est donc important de lire attentivement la liste des ingrédients (INCI) et de ne pas se fier uniquement à un label présent sur l’emballage.
Que pouvons-nous faire ?
Il est crucial de s’informer avant d’acheter. En plus d’acheter des crèmes « ocean-friendly », c’est-à-dire sans les composés chimiques mentionnés précédemment, un geste simple pour réduire la consommation de crèmes solaires et diminuer l’impact sur l’environnement marin consiste à éviter les heures les plus chaudes et à se protéger du soleil avec des parasols ou en portant des vêtements adaptés, même en se baignant.

Bibliographie :
- Nona S.R. Agawin, Adrià Sunyer-Caldú, M. Silvia Díaz-Cruz, Aida Frank-Comas, Manuela Gertrudis García-Márquez, Antonio Tovar-Sánchez, Mediterranean seagrass Posidonia oceanica accumulates sunscreen UV filters, Marine Pollution Bulletin, Volume 176, 2022