Traité des Hautes Mers : un pas décisif pour l'avenir de l'océan

Le Traité sur les Hautes Mers a été formellement adopté….

Sperm Whales swim in the waters off Dominica.
Écrit par
Valentina Lovat
Date de publication
21 juin 2023
Temps de lecture
7 min

Le 19 juin 2023, les 193 États membres des Nations Unies ont formellement adopté le Traité sur les Hautes Mers, visant à protéger la biodiversité au-delà des frontières nationales, jusqu’alors menacée par la pollution, la crise climatique et la surpêche.

Il aura fallu plus de deux décennies de négociations pour trouver un terrain d’entente afin de réglementer les activités et de préserver la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale.

Diritto del Mare_Decennio del Mare
Zonazione dello spazio marittimo Camilla Tommasetti per IOC-UNESCO

Les zones considérées comme « Hautes Mers » couvrent environ 70 % de la surface de l’océan et près de 95 % de son volume, abritant ainsi une grande partie de la biodiversité marine. Le nouvel accord vise à lutter contre les trois crises planétaires en cours – climatique, perte de biodiversité et pollution – et à inverser le déclin de l’environnement.

« Nous disposons d’un nouvel outil. Ce résultat historique témoigne de notre engagement collectif en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale. Ensemble, vous avez jeté les bases d’une meilleure gestion de nos océans, assurant ainsi leur survie pour les générations futures. »

Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Pourquoi le Traité sur les Hautes Mers est-il important ?

Le Traité sur les Hautes Mers, ou Traité sur la Biodiversité au-delà de la Juridiction Nationale, offre un cadre actualisé à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), entrée en vigueur en 1994. Le nouvel accord considère l’océan dans toutes ses dimensions, en évaluant son importance dans différents domaines, de l’économie à la régulation du climat, en passant par la perte de biodiversité et la pollution.

À une époque où l’intérêt pour l’exploration et l’exploitation des ressources marines des eaux hauturières ne cesse de croître, le traité vise également à accroître et à réglementer le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources de manière juste et équitable.

Il s’agit également d’une étape importante pour atteindre, dans les délais prévus, les objectifs fixés par l’Agenda 2030 des Nations Unies et le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal pour la conservation de la biodiversité.

Sperm Whales swim in the waters off Dominica.

« L’océan est le poumon de notre planète et aujourd’hui, vous lui avez donné une nouvelle vie et un nouvel espoir pour lui permettre de lutter. »

António Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies

Que change en termes de gouvernance ?

Pendant des décennies, les zones de haute mer ont été gouvernées sans tenir compte des nouveaux besoins et défis émergents au fil des ans. De nombreuses activités sont réglementées par différents accords et traités, tels que le transport maritime, la pêche et les activités d’extraction. Mais ces accords et conventions ont très peu dialogué entre eux, travaillant en silos et créant un manque de cohérence et de coordination.

Cette gouvernance fragmentée et incohérente s’est avérée inadéquate pour gérer et lutter contre la dégradation environnementale, la crise climatique et la perte de biodiversité. Trois crises qui exigent des actions collectives et coordonnées à l’échelle mondiale.

Grâce à l’adoption du Traité sur les Hautes Mers, nous disposons d’un nouveau cadre de référence qui offre de nouveaux outils et mécanismes de gouvernance et d’action pour la conservation, l’utilisation et la gestion des ressources marines.

1. Nouvelles actions de protection au-delà des frontières nationales

Le Traité sur les Hautes Mers a pour objectif d’amener les États à prendre en charge la gestion de l’océan au bénéfice des générations présentes et futures, conformément aux articles et objectifs de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).

Grâce à l’adoption du traité, les zones de haute mer ont également acquis de nouvelles formes de protection contre des impacts tels que la pollution et la surpêche. Le nouvel accord contient 75 articles visant à protéger, à prendre soin et à garantir une utilisation responsable de l’environnement marin, à maintenir l’intégrité de ses écosystèmes et à préserver la valeur intrinsèque de la biodiversité.

L’accord permettra de mettre en place des outils de gestion basés sur des aires, y compris des aires marines protégées, pour conserver et gérer de manière durable des habitats et des espèces vitaux en haute mer et dans la zone des fonds marins internationaux. L’objectif ? Protéger au moins 30 % de l’océan d’ici 2030.

Marine Protected Areas as of November 2022 (data from MPAtlas)

2. Un océan plus propre

Des substances chimiques toxiques et des millions de tonnes de déchets sont déversés quotidiennement dans les écosystèmes côtiers, causant d’importants dommages aux habitats et aux espèces qui les peuplent, entrant dans la chaîne alimentaire et atteignant ainsi l’homme.

Selon le dernier rapport sur les Objectifs de développement durable (ODD), en 2021, plus de 17 millions de tonnes de plastique sont entrées dans l’océan, représentant 85 % des déchets marins. Les modèles prévisionnels estiment que cette quantité va doubler ou tripler chaque année d’ici 2040.

Avant de mettre en œuvre des actions en haute mer, les États devront évaluer les impacts environnementaux potentiels de toute activité prévue en dehors de leurs juridictions.

En outre, sur le front de la pollution, les Nations Unies ont lancé une négociation pour un nouveau traité mondial visant à mettre fin à la pollution plastique. Il s’agit d’une étape historique pour protéger la faune, l’environnement et l’humanité des effets néfastes de la pollution causée par ces matériaux.

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Photo by OCG Saving The Ocean on Unsplash

3. Gestion durable des stocks halieutiques

Selon les Nations Unies, plus d’un tiers des stocks halieutiques mondiaux sont surexploités. Cela signifie que la disponibilité des ressources halieutiques diminue d’année en année.

Le Traité sur les Hautes Mers souligne l’importance de collaborer pour renforcer les capacités et transférer des technologies innovantes, y compris le développement des capacités institutionnelles et des cadres réglementaires nationaux. Pour atteindre cet objectif, il faut travailler à renforcer la coopération entre les organisations maritimes régionales et les organisations régionales de gestion de la pêche.

Photo by Milos Prelevic on Unsplash

4. Combattre la crise climatique

La crise climatique affecte également l’océan

Le changement climatique a un impact significatif sur l’océan. La hausse de la température moyenne des océans favorise le développement de tempêtes de plus en plus fréquentes et intenses. De plus, elle accélère l’élévation du niveau de la mer, due à la dilatation thermique de l’eau et à la fonte des glaciers. Ces phénomènes entraînent une intensification de l’érosion côtière, des inondations de plus en plus fréquentes dans les zones habitées, y compris les grandes métropoles, et une salinisation des terres et des nappes phréatiques, réduisant ainsi les ressources en eau douce.

Pour répondre à ces enjeux urgents, le Traité sur les Hautes Mers fournit un cadre pour renforcer la résilience des écosystèmes marins en préservant et en restaurant leur intégrité. Des mesures de protection et de régénération contribuent également à atténuer les effets néfastes du changement climatique.

Par ailleurs, le Traité sur les Hautes Mers reconnaît les droits et la valeur des savoirs traditionnels des peuples autochtones et des communautés locales, la liberté de la recherche scientifique, ainsi que la nécessité d’un partage juste et équitable des bénéfices, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).

Graphics and lead scientist: Ed Hawkins, National Centre for Atmospheric Science, UoR.
Data: Berkeley Earth, NOAA, UK Met Office, MeteoSwiss, DWD, SMHI, UoR & ZAMG

Sources:

UNEP , UN News , UN DOALOS